La soutenance aura lieu le Jeudi 26 Juin 2025 à 9h30, au lieu suivant :
Salle Athéna, Maison de la Recherche, Université Sorbonne Nouvelle
4 Rue des Irlandais, 75005 Paris.
Devant un jury composé de :
- Mme Elisabeth DELAIS-ROUSSARIE, DR – CNRS (rapportrice)
- M. Frederic ISEL, PR – Université Paris Nanterre (examinateur)
- Mme Sharon PEPERKAMP, DR – CNRS (rapportrice)
- Mme Claire PILLOT-LOISEAU, PR – Université Sorbonne Nouvelle (examinatrice)
- M. Rachid RIDOUANE, DR – CNRS (directeur de thèse)
———————————-Résumé ——————————————-
L’acquisition de la prosodie du français par des apprenants sinophones : Études acoustique, perceptive et électroencéphalographique
Bien que centrale dans la communication parlée, la prosodie reste un domaine moins exploré dans les travaux de recherche sur l’acquisition des langues secondes. Cette thèse traite de la segmentation et de l’organisation prosodiques en français chez des locuteurs natifs francophones et des apprenants sinophones de trois niveaux (débutants, intermédiaires, avancés).
La prosodie assume notamment deux rôles clés : délimiter les unités syntaxiques et structurer le flux temporel-rythmique. Le mandarin, utilisant des tons lexicaux, mobilise différemment ces éléments, comparé au français. Notre recherche cherche à montrer comment les apprenants sinophones acquièrent la prosodie française pour traiter des ambiguïtés syntaxiques locales, illustrées par des phrases à clôture précoce (CP : « Chaque fois que le serpent mangeait, le rat se cachait. ») ou tardive (CT : « Chaque fois que le serpent mangeait le rat, le lapin se cachait. »). Pour cela, des données acoustiques (31 locuteurs : 10 natifs, 21 apprenants), perceptives (60 auditeurs : 20 natifs, 40 apprenants) et électroencéphalographiques (60 participants : 20 natifs, 40 apprenants) ont été analysées, totalisant 151 individus.
Les résultats acoustiques révèlent que dès le niveau intermédiaire, les apprenants utilisent la montée du F0 et l’allongement final pour signaler les frontières CP et CT. Concernant l’organisation prosodique, les valeurs de neuf paramètres quantitatifs (%V, ΔC et ∆V, VarcoV et VarcoC, nPVI-V et rPVI-C, CCI-C et CCI-V) ont révélé une même tendance dans l’évolution du patron rythmique : il devient de plus en plus stable à mesure que le niveau de français progresse. Sur le plan perceptif, les apprenants (et, dans une moindre mesure, les natifs) rencontrent des difficultés accrues avec les structures complexes comme la CP. Les données EEG montrent que les frontières CP et CT activent une closure positive shift (CPS) chez tous les groupes, confirmant leur traitement neurocognitif. Une neuroplasticité est suggérée par les variations topographiques des CPS entre natifs et apprenants durant le traitement de la CP. La ramp-like negativity, observée pour la CT, reflète un processus top-down chez les natifs contre un mécanisme bottom-up chez les apprenants lors de l’analyse des indices acoustiques.
En conclusion, cette recherche contribue à la compréhension de l’acquisition prosodique en L2 et met en lumière les différences comportementale et neurocognitive dans le traitement des frontières prosodiques localement ambiguës entre natifs et apprenants.
Mots clés : français, chinois mandarin, prosodie, frontière prosodique, acquisition, acoustique, perception, EEG, potentiel évoqué, CPS
———————————-Abstract——————————————-
Acquisition of French prosody by Chinese learners: acoustic, perceptive and electroencephalographic studies
Despite its central role in spoken communication, prosody remains a less explored area in second language acquisition research. This thesis investigates performance of French prosodic segmentation and organization in native speakers and Chinese L2 learners across three proficiency levels: beginner, intermediate, and advanced.
Prosody serves two primary functions in language, namely, delimiting syntactic units and regulating the temporal flow of speech. Mandarin, using lexical tones, mobilizes prosodic features differently from French. This thesis aims to investigate how Chinese L2 learners acquire French prosody to deal with local syntactic ambiguities, as exemplified by sentences exhibiting early closure (EC: « Chaque fois que le serpent mangeait, le rat se cachait. », “Whenever the snake was eating, the rat would hide. ») and late closure (LC: « Chaque fois que le serpent mangeait le rat, le lapin se cachait. », « Whenever the snake was eating the rat, the rabbit would hide. »). The analysis involved acoustic (31 subjects: 10 natives, 21 learners), perceptual (60 participants: 20 natives, 40 learners), and electroencephalographic (60 participants: 20 natives, 40 learners) data, encompassing a total of 151 individuals.
The acoustic results reveal that learners employ F0 rising and final lengthening to signal EC and LC boundaries from the intermediate level onward. In terms of prosodic organization, nine rhythm metrics (%V, ΔC and ΔV, VarcoV and VarcoC, nPVI-V and rPVI-C, CCI-C and CCI-V) show a consistent trend in rhythmic pattern development: it becomes increasingly more stable as proficiency in French advances. Perceptually, learners (and to a lesser extent, natives) encounter challenges with complex structures like EC. The EEG data indicate that both EC and LC boundaries elicited a closure positive shift (CPS) across all participant groups, underscoring their neurocognitive processing. Neuroplasticity is implied by the distinct topography of CPS between natives and learners during EC processing. The ramp-like negativity observed in LC condition reflects a top-down process in natives versus a bottom-up mechanism in learners when deciphering prosodic cues.
In summary, this thesis enhances our comprehension of L2 prosodic acquisition and provides novel perspectives on the behavioral and neurocognitive differences in the interpretation of local ambiguous prosodic boundaries between native French speakers and Chinese L2 learners.
Keywords: French, Mandarin Chinese, prosody, prosodic boundary, acquisition, acoustics, perception, EEG, ERP, CPS


